Couper la sensation de faim

Notre organisme à faim en permanence ! En effet, même si on a trouvé quelques substances qui augmentent la sensation de faim, la plupart des molécules inhibent notre appétit, pour nous empêcher de céder à l’envie de manger ! Alors comment apparaît notre faim ? Le schéma classique fait intervenir la glycémie. Lorsque le taux de sucre dans le sang est trop bas, la sensation de faim se manifeste. Mais on a découvert en 1999 une hormone, la ghréline, qui semble primordiale dans l’envie de manger. Sa sécrétion augmente avant la prise de repas et diminue dès que l’on commence à se sustenter.

Pour expliquer l’obésité, il faut d’abord comprendre les mécanismes de la faim. D’où vient cette sensation et comment est-elle régulée ?

Quel processus entraîne la sensation de faim?

La faim se déclenche de plusieurs façons.

La faim se déclenche de plusieurs façons. L’explication communément admise est celle d’une baisse du taux de glucose (sucre) à l’intérieur de la veine porte, celle qui transporte le sang depuis les intestins jusqu’au foie. Une diminution de 5 % va activer des nerfs reliés à l’hypothalamus, cette partie du cerveau qui intervient dans le contrôle de la faim. Celui-ci va libérer des neuromédiateurs spécifiques (peptide Y, hypocrétine, endocannabinoïdes) qui déclencheront la recherche de nourriture.

Autre piste invoquée, celle des hormones. La ghréline, qui est émise par l’estomac, agit aussi sur l’hypothalamus en passant par le sang. Mais “les mécanismes par lesquels elle est sécrétée restent encore flous”, précise Gilles Mithieux, directeur de l’unité Nutrition et cerveau à l’Inserm.

Un troisième processus met en jeu la diminution du taux de lipides dans les tissus adipeux, où se situent nos principales réserves de graisse et donc d’énergie. C’est la baisse dans le sang du taux d’une hormone baptisée leptine qui en informe le cerveau.

Parallèlement à ces mécanismes physiologiques, il suffit parfois d’un simple coup d’œil en direction de l’horloge pour faire naître l’appétit. “L’influence du rythme biologique est très importante. Si on a pris l’habitude de manger vers midi, la ghréline sera sécrétée vers 11 h 45, même si le taux de glucose reste élevé”, explique Gilles Mithieux.

Quant aux stimulations extérieures, le fumet d’une viande grillée suffit à nous donner faim : “Odeur, goût, vue : tout cela active des circuits de l’hypothalamus et des centres comme le cortex et l’hippocampe où sont mémorisées les connaissances nutritionnelles, affirme Bernard Beck, neurophysiologiste à l’Inserm. Leurs effets varient selon la sensibilité de chacun.”

La faim est l’état normal

Au cours du repas, d’autres mécanismes entrent en jeu. Le gonflement de l’estomac est interprété par le cerveau comme un signe que les besoins en nourriture sont satisfaits avant que d’autres hormones, comme la cholecystokinine (CCK) ou le peptide glucagon-like-1 (GLP-1) ne confirment l’information, donnant l’impression d’être rassasié. Après un repas riche en protéines, l’intestin grêle produit du glucose, ce qui déclenche la sécrétion d’insuline destinée à faire baisser le taux de glucose. Résultat : un sentiment de satiété. La faim est calmée pour un moment.

Un autre système “coupe faim” est également mis en œuvre via la leptine. “Elle agit sur les mêmes neurones que la ghréline, mais elle les inhibe au lieu de les activer, explique Gilles Mithieux. Sa sécrétion varie selon les métabolismes. Ainsi, les personnes souffrant d’obésité y sont-elles insensibles, ce qui explique pourquoi elles ont souvent faim.”

 

Le rassasiement et la satiété

Lorsque l’on mange, arrive petit à petit une impression de satiété : “j’ai assez mangé”. Celle-ci sera suivie d’une période de rassasiement, qui explique que nous n’avons pas faim pendant quelques heures.

Ces mécanismes sont déclenchés par de nombreux signaux, particulièrement en provenance de tout le système digestif. En fait, dès que l’on commence à prendre une bouchée, le goût et l’odeur des aliments, par l’intermédiaire d’influx nerveux, vont commencer à agir sur notre cerveau et mettre en place la satiété. Puis l’estomac envoie également des signaux chimiques et nerveux. Ainsi, la distension des parois gastriques entraîne l’émission d’un signal au cerveau. Le foie et le pancréas induisent aussi le rassasiement. Au niveau de l’intestin, la présence de nutriments et des actions mécaniques vont également déclencher des influx nerveux.

Une régulation à long terme

Mais la prise alimentaire peut varier fortement d’un jour un l’autre. Repas de familles, restaurant… sont quelques-uns des excès que nous pouvons faire. Or nous arrivons à garder un poids stable malgré de fortes variations de prise alimentaire. C’est qu’il existe une régulation à long terme. On a d’ailleurs découvert une hormone impliquée dans ce mécanisme : la leptine. Celle-ci est secrétée directement par les cellules graisseuses et agit au niveau du cerveau. Pour les spécialistes, c’est en quelque sorte un “témoin” des réserves énergétiques de l’organisme : lorsque les stocks d’énergie augmentent, sa secretion fait baisser la sensation de faim et lorsque les réserves baissent, elle est moins sécrétée, ce qui ouvre l’appetit.

Le chef d’orchestre : le cerveau

La partie de l’organisme qui contrôle la faim, c’est l’hypothalamus. Il s’agit d’une zone particulière, située en plein coeur du cerveau. Cet “ordinateur” composé de plusieurs régions distinctes, va recevoir tous les signaux relatifs à l’envie de manger et la satiété, pour les intégrer et décider de notre appétit. Plusieurs neuromédiateurs interviennent au coeur de l’hypothalamus : sérotonine, neuropeptide Y, CRH, galantine. Ceux-ci sont impliqués dans la prise alimentaire mais aussi dans la dépense énergétique.

D’autres facteurs

Plusieurs facteurs vont agir sur l’hypothalamus pour moduler la sensation de faim :

  • Le  conditionnement  : suivant que l’on aime ou non l’aliment ;
  • Les  facteurs psychoaffectifs (humeur…) ;
  • Les  facteurs cognitifs  : si on décide de manger ou non ;
  • Les  facteurs sociaux et familiaux .

Des médicaments pour l’avenir ?

Certes, les nombreuses molécules identifiées dans les mécanismes de la faim laissent espérer des médicaments qui pourraient être utilisé dans le traitement de l’obésité par exemple. Citons notamment les monoamines (neurotransmetteur agissant au niveau de l’hypothalamus). Un médicament basé sur une monoamine est d’ailleurs déjà disponible pour lutter contre l’obésité. Les mélanocortines (hormones sécrétée dans l’hypothalamus sous l’action de la leptine) semblent également prometteuses. La recherche s’oriente vers des molécules qui vont mimer les substances anorexigènes ou au contraire vers des molécules qui vont bloquer les molécules qui déclenchent la faim. Mais ce mécanisme est très complexe, et la recherche ne semble pas se diriger vers une pilule miracle : si un traitement contre la prise excessive de poids est mis au point, il passera certainement par un ensemble de molécules…

 

Sources : Sciences et Vie